Lundi matin, Adzabelone s’est réveillé avec un bruit sec, un crissement de pneus et un soupir collectif : le bus scolaire du Complexe Les Marmottes venait de faire sa première sortie de route. Seize élèves légèrement blessés, un chauffeur médusé, et une école qui découvre que la ligne droite peut être un luxe en République.
Heureusement, pas de drame. Les enfants sont saufs, les parents rassurés, et les secours ont fait ce qu’ils savent faire : venir tard, mais venir quand même. L’accident, lui, ouvre une question bien plus vaste que le simple bas-côté d’Adzabelone : dans quel état roulent réellement nos bus scolaires ?
C’est la première fois que le Complexe Les Marmottes connaît un tel incident. Mais dans un pays où le “premier” sert souvent de test, on ne peut s’empêcher de penser que cet épisode a valeur de symbole.
Car ici, la mécanique obéit à la politique du “tant que ça démarre, c’est bon”. Et tant que ça ne tue personne, c’est conforme.
Le bus des Marmottes, fier d’embarquer la jeunesse studieuse d’Oyem, semble n’avoir pas reçu la même attention que ses passagers. On parle de doutes sérieux sur son état technique, de freins à la retraite anticipée, de pneus qui prient à chaque virage. Mais comme toujours, on préférait bénir le véhicule le matin plutôt que le réparer le week-end.
Les autorités ont aussitôt annoncé l’ouverture d’une enquête.
Traduction en langage administratif : un dossier sera ouvert, des papiers seront signés, et tout le monde attendra le prochain accident pour en ouvrir un autre.
On nous promet de « déterminer les causes exactes » comme si la cause n’était pas déjà écrite sur les routes trouées et les bus essoufflés qui circulent sans gêne.
Mais le plus beau, c’est que tout cela se fait dans une parfaite normalité : un pays où un véhicule peut rouler vingt ans sans assurance, et où un contrôle technique se passe entre une poignée de main et un “ça ira, mon frère”.
Pourtant, le Complexe Les Marmottes n’est pas une école de seconde zone. Non, c’est une institution réputée, qui a su s’imposer par son sérieux et ses résultats. Mais comme souvent, l’excellence pédagogique s’arrête à la grille de l’école.
Derrière, le bus, lui, fait la classe autrement : cours de gravité appliquée, initiation au réflexe de survie, et travaux pratiques sur la résistance des ceintures.
Le plus triste, c’est que cet accident, bien qu’inédit, ne surprend plus personne. On s’émeut, on commente, on promet et dans deux semaines, le même bus, rafistolé à la hâte, reprendra la route au nom du “service aux parents”.
Le Complexe Les Marmottes assure vouloir “tirer les leçons” de l’incident. Espérons que la première sera celle-ci : un bus scolaire transporte des vies, pas des statistiques.
Dans un pays où la route devient chaque jour un champ d’expérimentation entre la chance et la tôle froissée, il est urgent que la conscience remplace la négligence.
Car si les Marmottes ont glissé, c’est peut-être le signe qu’il faut enfin s’arrêter pas seulement sur le bas-côté, mais sur nos habitudes.
Un bus qui sort de route, c’est un fait divers.
Mais un pays qui laisse rouler des bus douteux, c’est un fait de société.
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