
Il était une fois, dans le très paisible département de l’Okano, une préfecture flambant neuve… qui n’a jamais servi. Non, ce n’est pas un conte pour endormir les enfants, c’est une farce bien réelle, financée rubis sur l’ongle par les contribuables, applaudie lors des cérémonies d’inauguration, puis… oubliée. Enterrée. Abandonnée. Comme une belle voiture de luxe stationnée au garage, moteur intact, mais sans conducteur depuis des années.
Les bâtiments de la nouvelle préfecture de Mitzic, livrés en grande pompe il y a plusieurs années, devaient incarner la modernisation de l’administration locale. Un bijou architectural pour les uns, une preuve du "développement accéléré" pour les autres. En vérité, ils incarnent aujourd’hui surtout l’indifférence institutionnelle et le gâchis organisé.
Car pendant que les murs rutilants de la préfecture attendent désespérément leurs occupants, les agents préfectoraux, eux, continuent de s’agglutiner dans les anciens bureaux. Des locaux vétustes, exigus, à peine fonctionnels, qui suintent le renoncement administratif. Un contraste saisissant qui laisse les habitants pantois et franchement agacés.
À défaut d’agents administratifs, ce sont les plantes, les rongeurs et les toiles d’araignée qui ont pris leurs quartiers dans les bureaux vides de la nouvelle bâtisse. Avec la patience silencieuse d’un squat bien établi, la nature a repris ses droits. Lentement, méthodiquement, à l’image de l’inaction des autorités.
Les vitres sont couvertes de poussière, les climatiseurs flambant neufs rouillent dans leur mutisme, et les chaises de bureau, elles, ont mystérieusement disparu. Volées ? Prêtées ? Dématérialisées ? Les voisins auraient quelques éléments de réponse. En l’absence de toute activité officielle, certains se seraient discrètement servis. Après tout, qui surveille une maison vide ?
Comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on mener à terme un projet d’une telle envergure, le réceptionner, le meubler, le boucler… pour ensuite l’oublier comme une promesse électorale en période post-campagne ? Une prouesse logistique et bureaucratique, digne des plus grandes énigmes de l’administration publique.
Plusieurs hypothèses circulent : cafouillage administratif, absence de budget pour le déménagement (sic), conflits d’intérêts ou de compétence, ou peut-être simplement, personne ne s’est souvenu qu’un tel bâtiment existait. Il faut dire que la mémoire institutionnelle a parfois la durée de vie d’un papillon.
Aujourd’hui, les populations de Mitzic se posent des questions entre deux soupirs et trois haussements d’épaules. À quoi bon construire

une préfecture si c’est pour ne jamais l’occuper ? Comment justifier cet investissement colossal, alors que les services de l’État peinent à remplir leurs fonctions dans des locaux d’un autre siècle ? Où sont passés les responsables, et surtout, qui rendra des comptes ?
Le plus ironique ? C’est que malgré les appels à la reprise, les lettres, les pétitions et les cris du cœur, rien ne bouge. L’ancienne préfecture est toujours "opérationnelle", c’est-à-dire minimalement fonctionnelle. La nouvelle ? Elle attend. Patiente. Se dégrade doucement, dans le silence assourdissant d’une administration sourde aux évidences.
On aurait pu espérer un réveil, un audit, un sursaut de lucidité. Mais à Mitzic, comme ailleurs, la réalité est plus prosaïque : quand l’absurde devient la norme, plus rien ne choque.
Il serait peut-être temps que les autorités sortent de leur coma logistique et prennent leurs responsabilités. Un bâtiment public, ce n’est pas un trophée qu’on expose pour faire joli. C’est un outil pour servir les citoyens. Et à Mitzic, cet outil prend la poussière pendant que les citoyens prennent leur mal en patience.
Alors, à quand l’occupation de la préfecture flambant neuve ? Personne ne sait. Peut-être quand les termites auront fini leur travail de démolition. Ou quand une prochaine campagne électorale ressuscitera l’intérêt pour ce "dossier prioritaire".
En attendant, la préfecture vide continue de trôner fièrement au bord de la route, comme un monument à l’inefficacité bien huilée.

NGOUA GROSJEAN Steeve Arnold
Expert en communication, diplômé en sciences de la communication et du langage. Passionné par le web journalisme, je crois en la puissance du numérique pour informer et analyser avec précision.
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