
Libreville, mai 2025
Dans une société en quête de transparence, la justice gabonaise suscite interrogations et malaise. Les récentes décisions judiciaires concernant des personnalités publiques et des affaires sensibles ont mis en lumière des disparités qui, aux yeux de nombreux citoyens et observateurs, révèlent un inquiétant deux poids, deux mesures.
D’un côté, la décision de mettre à présent Nourredine Bongo Valentin et Sylvia Bongo Ondimba en résidence surveillée.
Ancien coordinateur général des affaires présidentielles et fils de l’ex-président Ali Bongo Ondimba, Nourredine Bongo est poursuivi pour détournements de fonds publics, blanchiment d’argent et corruption. Sylvia Bongo, quant à elle, est suspectée d'avoir orchestré un réseau d’enrichissement illégal sous couvert de la gestion des affaires familiales et étatiques. Malgré la gravité des chefs d’accusation, ces figures de l’ancien régime sont désormais dans des conditions de détention privilégiées, loin des rigueurs carcérales réservées aux justiciables ordinaires.
Dans le même temps, la grâce présidentielle récemment accordée à un groupe de pêcheurs angolais arrêtés pour pêche illégale dans les eaux territoriales gabonaises provoque l’indignation d’une partie de la population. Bien que cette décision ait été justifiée par des « considérations diplomatiques et humanitaires », elle soulève des interrogations sur l’application effective des lois maritimes et la souveraineté nationale, souvent invoquée à géométrie variable.
Mais c’est surtout l’incarcération de Kelly Ondo Obiang qui cristallise les frustrations. Ancien membre de la Garde républicaine et principal auteur du coup de force manqué de janvier 2019 contre le régime Bongo, Kelly Ondo est aujourd’hui condamné à une lourde peine de prison. Pour ses partisans, il reste un « héros » ou du moins un symbole de résistance dans un pays longtemps verrouillé par une dynastie politique. Pour ses détracteurs, son action demeure une tentative illégale de prise de pouvoir par la force. Quoi qu’il en soit, l’écart de traitement entre ce soldat et les élites politiques ( corrompues ) désormais tombées en disgrâce, mais néanmoins épargnées par la rigueur carcérale, interroge profondément.

Ces décisions judiciaires, prises isolément, peuvent se défendre selon les règles de droit et les impératifs politiques du moment. Mais considérées ensemble, elles dessinent le portrait d’une justice sélective, parfois complaisante envers les puissants, parfois implacable envers ceux qui n’ont ni réseaux, ni immunité.
L’opinion publique gabonaise, de plus en plus exigeante à l’égard des institutions, attend un changement de paradigme. La refondation de la justice annoncée par les autorités de la transition doit aller au-delà des symboles : elle doit garantir une égalité de traitement devant la loi, base intangible de toute société démocratique.
Dans le Gabon d’après Bongo, la justice n’a pas seulement vocation à punir ou à protéger. Elle doit redevenir un socle de confiance, un outil d’équité, et surtout, un rempart contre l’arbitraire.


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