
C’est dans un recoin discret du fleuve Ntem ce paisible décor qui semble avoir signé un partenariat avec les tragédies villageoises qu’a pris fin le parcours de Obiang Bengone Josephe Ataclet, pêcheur aguerri du village d’Evormbile. Un décès survenu dans des circonstances qui, disons-le, feraient pâlir un roman de Ngugi wa Thiong’o, sans en avoir la reconnaissance littéraire.
Ataclet, parti à la pêche en compagnie d’un ami, a connu une matinée peu glorieuse : deux poissons seulement, comme pour confirmer que même les rivières ont des jours de grève. Pendant que son acolyte rentrait tranquillement au village pour aller vendre ses écailles, Ataclet, piqué dans son orgueil (et probablement par les moustiques), décide de prolonger l'effort. Résultat ? La pirogue revient. Mais pas le pêcheur.
Sur la scène du crime fluvial : les deux mêmes poissons, une babouche solitaire à croire qu’elle s’est battue pour rester à la surface et une inquiétude lourde comme le silence des chefs de canton.
Quelques jours plus tard, le corps est retrouvé, plus bas sur le fleuve. Contusions au visage, plaie à la tête, ventre plat comme les finances
d’un fonctionnaire en mi-mois. Bref, rien qui ressemble à une noyade romantique. Mais, fort heureusement, l’enquête est ouverte. Oui, on a bien dit “ouverte” probablement rangée quelque part entre une pile de dossiers poussiéreux et une promesse électorale oubliée.
À Evormbile, comme dans bien d’autres villages du pays, on ne pêche pas seulement le poisson. On pêche l’espoir, la survie, la dignité. Mais visiblement, pas encore la sécurité.
Obiang Bengone n’était pas député, ni star de TikTok, ni titulaire d’un passeport diplomatique. Il n’avait ni gyrophare, ni escorte. Juste une pagaie, une volonté, et un rêve simple : nourrir les siens. Et c’est peut-être là son vrai crime.
Car dans un pays où l’on parle de "grands chantiers" pendant que les villages rament littéralement pour garder leurs enfants en vie, les petites tragédies comme celle-ci ne méritent souvent qu’un murmure gêné... et une prière. Et encore, s’il reste du réseau pour prévenir le catéchiste.

Alors, posons la vraie question : combien faudra-t-il de pirogues vides pour que la vie humaine cesse d’être traitée comme un fait divers mal classé ? Combien d’Ataclet pour qu’on investisse dans des gilets de sauvetage, des balises GPS, ou même juste un peu d’attention ?
En attendant les conclusions de l’enquête qui arriveront peut-être en même temps que le retour du train à Franceville le village d’Evormbile pleure. Et le fleuve, lui, comme toujours, garde ses secrets. À croire qu’il a signé une clause de confidentialité.
@Pour La Une Woleuntemoise

NGOUA GROSJEAN
Expert en communication, diplômé en sciences de la communication et du langage. Passionné par le web journalisme, je crois en la puissance du numérique pour informer et analyser avec précision.
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